Francis, l’homme qui roule sur l’eau

Je suis ravie d’inaugurer cette rubrique avec la rencontre de Francis Lamotte. Il vit dans le Grésivaudan, nous sommes quasi voisins, mais la tête et le cœur de Francis sont toujours en préparation d’ailleurs. Il me reçoit chez lui pour me raconter, entre autre, son tour du monde à moto. J’étais curieuse d’entendre ses anecdotes de cuisines de par le monde…

Francis est parisien d’origine, il est de Belleville. Comme quoi il y avait bien une histoire de deux roues dès le départ… Petit, il fait des voyages réguliers en Algérie. Plus tard, pour partir en coopération, il choisit d’y retourner, plus particulièrement dans les Aurès (nord-est de l’Algérie). Il y donnait des cours à la fac, de maths, d’électrotechnique et d’automatique.

Premières étapes en compagnie des Touaregs

En Algérie, pour passer le temps (les heures de cours ne se bousculent pas), il se met à voyager. À moto. Au départ, ce mode de transport est un hasard (c’est plus pratique en région parisienne), et puis petit à petit elle est devenue sa compagne de route et de découvertes. Dans ses premières rencontres il découvre les Touaregs.

« On mangeait à l’extérieur. Il ne pleut jamais ! On faisait un feu à l’extérieur des tentes. Ils faisaient cuire leur pain dans le sable avec des braises, et des légumes avec le feu. »

Après ça, la vie faisant, Francis s’est arrêté de voyager pendant un bon moment. Le temps de se marier, de faire des enfants, et de créer son entreprise tout de même. La vie suit son cours et on se croit indispensable à chaque maillon qui constitue notre quotidien, on pense que rien ne viendra en perturber les rouages. Et puis un jour, ses enfants lui font comprendre qu’ils quitteront bientôt le nid à leur tour. C’est le déclic. Il se rend soudain compte qu’il a des découvertes à rattraper en compagnie de sa moto !

Francis décide de partir faire le tour du monde, en tête à tête avec sa Yamaha 600 TT RE, pendant un an. Rien que ça !
Deux années de gestation plus tard, Francis prend le départ.

« Le moment le plus fort c’était le premier jour. J’ai déconnecté tout de suite. »

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La Yamaha 600 TT RE, surnommée « Toeuf-Toeuf »

C’était parti pour le tour du monde en un an. Riche, intense, émouvant, on l’imagine aisément. Et les étincelles dans les yeux de Francis lorsqu’il raconte son parcours suffisent à nous faire partager les émotions qui l’ont traversées.

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Coup d’œil sur le trajet.

Francis me raconte ses expériences culinaires, mais pas forcément celles qu’on attend.
Le souvenir de ces pâtes en Bolivie, cuites à 3200 mètres d’altitude, là où il faut un temps interminable pour que l’eau bouille, et que le plat arrive dans son estomac.
Il me dit aussi que dans certains pays le repas est un moment nécessaire mais non ritualisé, un passage technique obligé au même titre que d’autres besoins naturels. Il me parle de ces cuisines immenses aux États-Unis, immenses mais où l’on ne cuisine pas, on n’y passe pas de temps.

Chez les Amish
Aux États-Unis justement, plus précisément dans le Wisconsin, autour des grands lacs. C’était un jour de grosse pluie. Francis n’aime ni le froid, ni la pluie…
Il trouve refuge sous une petite cabane. En fait il apprendra plus tard que cette cabane sert de lieu de transaction aux Amish. Ils y déposent de petites barquettes remplies de baies, et laissent une tirelire à côté. Les Amish ne peuvent pas vraiment parler aux étrangers, mais ce système leur permet de gagner un peu d’argent pour les denrées qu’ils ne peuvent produire eux-mêmes.

« Un petit homme avec une barbe immense s’est arrêté. Il a dû me prendre en pitié et m’a invité dans sa ferme 200 mètres plus loin. Nous avons partagé un repas avec sa famille. Je ne me souviens pas très bien de ce que j’ai mangé mais je me souviens que c’était très très bon. Du fromage blanc frais de leur unique vache, un coulis de fruits, une soupe, un repas très simple mais délicieux.
Il y avait dans la pièce principale une cuisinière en fonte comme il y a 200 ans. Leurs vêtements aussi datent des siècles précédents. Dehors ils avaient une pièce dédiée pour entreposer leurs aliments à conserver. Une pièce en bois, bien isolée avec un peu de polystyrène (seule entorse à leurs principes), où ils stockent des cubes de glace qui tiennent de l’hiver à septembre. »

La yourte mongole

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En Mongolie. On aperçoit au fond la yourte, le petit point blanc à droite.

La yourte forme une pièce unique avec un poêle au centre. A l’intérieur, à côté de l’entrée se trouve un petit évier avec un ballon de cinq litres d’eau au-dessus : l’eau courante !

« Les gens sourient, aiment rire, aiment aider. Ils m’ont raconté que l’hiver précédent , une température de -50°C a sévi pendant près de six mois ! »

Les mongoles mangent essentiellement du fromage et de la viande. Pas de féculents, pas de céréales, pas de légumes. Les fromages viennent de leurs brebis, chèvres et juments, la viande des chèvres, moutons, chameaux et chevaux. Ces familles nomades déplacent leurs yourtes en suivant l’abondance de l’herbe qui va justement nourrir leur troupeau.
Dans l’organisation de la yourte il n’y a pas à proprement parler de place réservée au moment du repas, ni pour le faire, ni pour le consommer. Se nourrir est une étape dans la journée, comme d’autres, alors il ne semble pas nécessaire d’y consacrer un lieu ou plus de temps. A part le poêle, bien sûr, qui sert pour la cuisson de la viande.

« J’ai surtout le souvenir du lait de jument : qu’est-ce que c’est fort ! »

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La mosaïque des repas de Francis, où l’on constate que l’assiette est universellement ronde… comme la Terre.

Et maintenant ?
Francis est rentré de son périple à l’été 2011, et que croyez-vous qu’il fît ?
Il commença à préparer le prochain bien sûr !

Les projets de Francis tournent toujours autour du monde, et toujours avec une moto. A force on se demande qui transporte qui…
L’idée cette fois-ci est une aventure autant humaine que technique, voire philosophique.
Il s’agit de traverser le détroit de Béring à moto. Je vous laisse le temps de vérifier, mais oui, c’est de l’eau… Aujourd’hui le détroit est large de 80 kilomètres, sur une vingtaine de mètres de profondeur, mais il y a plusieurs dizaines de milliers d’années peut-être le Béring était un passage à sec.
Déterminé, Francis développe actuellement son modèle de moto amphibie avec ses coéquipiers (répartis eux-mêmes sur toute la surface du globe, évidemment).
Le message est à la fois d’une logique et d’une ambition implacable : l’espèce humaine ne vient que d’un seul et unique continent. Il y a eu la tectonique des plaques, soit, mais les flux humains sont antérieurs. Alors les Inuits (américains) et les Tchouktches (russes) sont cousins !
Par ce passage du Béring, toute l’humanité est reliée depuis la nuit des temps. L’idée de le faire à moto, véhicule terrestre, c’est pour dire qu’il ne s’agit que d’un chemin ; c’est peut-être une frontière mais à l’autre bout ce sont les mêmes gènes préhistoriques. Les premiers indigènes d’Amériques viennent de Sibérie.
Cette région du détroit, le district autonome de Tchoukotka, est une destination peu fréquentée, car difficile d’accès tant sur le plan géographique qu’administratif. Peu y sont allés alors c’est encore une région sauvage, belle et forte, avec des villages esquimaux. Un vrai message de fraternité universelle, avec une idée un peu folle, parce que Francis n’est parfois pas sérieux (comme quand on a 17 ans), alors il ajoute en souriant :

« C’est rigolo d’aller en Amérique depuis la Russie ! »

Pour en savoir plus :
Les détails du voyage de Francis sur son blog Route Estivale.
Pour aider, participer, parrainer le prochain projet, les besoins sont nombreux et variés : pour la moto, des pièces métalliques à confectionner, des systèmes à optimiser, des sponsors à trouver, du matériel à acheter pour réaliser un témoignage du voyage, etc.

Les photos de cet article sont la propriété de Francis Lamotte.

6 thoughts on “Francis, l’homme qui roule sur l’eau

  1. La famille Lançon était amie avec la famille Lamotte, du temps de la crèche des P’tits Lutins à Crolles… et nous avons aussi bien voyagé depuis, en famille mais pas à moto ! Bonne chance, Francis !

  2. eh ben….beau périple ! y a plus qu’à mettre une belle motarde derrière la moto ou dans le bateau ! :-))

    Pour ton prochain article : Sophie, la femme qui ….. ?!

  3. Super voyage!! Quelle belle expérience!
    Et je vois en plus sur la carte, qu’il est passé par chez moi!! Oh la la, il a dû se régaler avec la nourriture là bas!
    Je lui souhaite encore une belle aventure.

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