« Ce ne sont pas les murs qui font la cité mais les hommes. »

Dijon accueille depuis 2022 la Cité Internationale de la Gastronomie et du Vin (CIGV), un lieu entier dédié au repas gastronomique des Français, à la sauce bourguignonne. La citation de Platon en titre nous suggère que la ville tout entière, Dijon, incarne cette Cité ; alors j’ai voulu rencontrer qui se cachait derrière ses murs.

Je vous propose d’aller à la rencontre d’un porteur, bâtisseur, animateur et défenseur sans faille de la CIGV, en charge du projet depuis son origine. Figure à la fois majeure et discrète de la vie dijonnaise, François Deseille est adjoint à la Ville de Dijon et vice-président de la Métropole. Il est maintenant bien connu des dijonnais, car engagé dans la politique locale depuis 25 ans. Désormais porte-drapeau bourguignon du repas gastronomique des français, je voulais connaître son parcours et son rapport à la cuisine, sans oublier ses souvenirs « en » cuisine.

Je rencontre François Deseille alors que vient de s’achever le tournage de l’émission « La meilleure boulangerie de France » qui faisait une visite enthousiaste de la CIGV à l’occasion d’une semaine dans la région. À chaque fois, les mêmes retours chaleureux et impressionnés sur ce lieu inauguré en mai 2022 et qui se réinvente et s’améliore en permanence.

Comment est arrivé le dossier et le projet de la CIGV sur votre bureau, pourquoi vous ?

Tout est parti de l’inscription du « Repas gastronomique des français » au patrimoine culturel immatériel de l’humanité. Dans la continuité, les Cités de la gastronomie ont pour mission de faire vivre ce patrimoine, en développant des lieux culturels multi-thématiques mêlant gastronomie, patrimoine, culture, mais aussi faisant la part belle à la formation et au commerce. En 2012 j’étais adjoint au Maire de Dijon en charge des grands projets. Me sachant à la fois épicurien mais surtout capable de gérer des projets aussi complexes, François Rebsamen me confie le pilotage de la candidature de Dijon.

Nous savions que l’hôpital général allait déménager1 et nous avons saisi l’opportunité pour proposer ce site à de futurs opérateurs qui se porteraient candidats pour réhabiliter complètement le site, tout en répondant de façon très libre au cahier des charges de l’UNESCO.

Je dois dire que le bâti constitue une magnifique réussite, ce qui a été fait pour la réhabilitation globale est remarquable, et d’ailleurs unanimement apprécié par les visiteurs, surtout pour les parties patrimoniales conservées et mises en valeur.

Situé au centre de l’ancien hôpital, ce bâtiment monumental abritait une salle pour les malades à partir de 1504, pour devenir le lieu de culte de l’hôpital en 1842. Son exécration (retrait du caractère sacré) a permis d’en faire un lieu culturel. La « chapelle des climats et des terroirs » accueille désormais (gratuitement !) des expositions dédiées au patrimoine viticole et gastronomique de la région. ©Ville Dijon ©DCR

Le projet tel qu’on le connaît aujourd’hui a été retenu à une très large majorité. La participation de la ville se concentre désormais sur le pôle culturel uniquement. Les autres pôles d’exploitation (cinéma, village gastronomique, restauration) sont gérés par des sociétés privées.

Inaugurée le 6 mai 2022, quelle est la touche personnelle de François Deseille dans la CIGV d’aujourd’hui, qu’y avez-vous mis de vous ?

Ce projet est au cœur de ma vie, pas seulement politique, depuis le début. Je le fais évoluer en permanence pour améliorer l’expérience des visiteurs. La gratuité au sein du pôle culturel a été mon cheval de bataille et je suis fier d’y être arrivé : gratuité de la Chapelle (+30% de visiteurs), gratuité des expositions (+40% de visiteurs).

Dès le départ, on voulait une Cité plus épicurienne, moins académique comme on peut le voir dans d’autres villes. On souhaitait du goût, du toucher, des « visites gourmandes » pour proposer un lieu de gourmandise et d’envies. Concrètement on veille à mettre une touche de gourmandise dans les expositions, faire des lectures gourmandes, organiser des événements en permanence et des échanges culturels et gastronomiques.

J’ai créé cette formule : « Il se passe toujours quelque chose à la Cité » qui représente bien l’ambition de faire de la Cité un fort pôle d’attractivité pour la ville.

Le projet de la CIGV vous a fait découvrir l’univers de la gastronomie et du vin, à tous les échelons. Qu’avez-vous appris, quelle expérience en tirez-vous ?

En premier je pense à mon ami Jean-François Kahn, disparu aujourd’hui. C’était un grand passionné de gastronomie, et ce projet de CIGV a renforcé nos liens, il adorait venir à la Cité.

François Deseille et Jean-François Kahn lors d’une de ses visites. ©Instagram FD

Plus généralement je retiens les rencontres humaines que je n’aurais certainement pas faites sans la CIGV. Des moments privilégiés, des gens exceptionnels qui ont comme point commun d’être passionnés et passionnants, de vouloir donner et transmettre. Ces moments précieux sont ma plus belle récompense. Je pense au Groupe Loiseau, Dominique, Bérangère et Blanche, à Éric Pras, Régis Marcon, tous les MOF (meilleurs ouvriers de France) que j’ai eu la chance de rencontrer notamment le MOF fromager Ludovic Bisot qui a un parcours extraordinaire. Je me souviens de réunions où il y avait 30 étoiles ! Une pensée particulière aussi pour Guillaume Gomez, qui a été Chef à l’Élysée pendant 24 ans et qui est aujourd’hui un ambassadeur acharné de la gastronomie française, un personnage.

Moment de partage avec de grands noms de la gastronomie française : François Deseille avec Régis Marcon, Guillaume Gomez et Éric Pras, accompagnés ici de Julien Bernard de Épicure Investissement. © Instagram FD

Vous êtes né et avez vécu à Boulogne-sur-Mer jusqu’à 18 ans, vous avez fait vos études à Lille. Vous arrivez à Dijon pour votre service militaire au sein de l’hôpital militaire en tant que kinésithérapeute. C’était en 1991, et vous découvrez Dijon « qui est la capitale du monde de la gastronomie »2 que vous ne quitterez plus. À titre personnel, quel rapport entretenez-vous avec la cuisine ? Quels sont vos souvenirs marquants, ce qui détermine peut-être votre attachement à la gastronomie ?

Ma mère était très présente pour mon père, mon frère et moi, et elle faisait beaucoup la cuisine au quotidien. Mes parents aimaient aussi recevoir, en organisant de grandes tablées pour des repas souvent à thèmes. Elle cuisinait beaucoup mais peu de pâtisserie. Mes souvenirs de pâtisserie me viennent de mon oncle, mon parrain. Il venait manger à la maison tous les mercredis soir et apportait toujours un gâteau qu’il faisait. C’était un rituel, c’est sans doute ma madeleine de Proust. Il avait quelques spécialités qui m’ont marqué, le pudding au rhum et raisins à base de pain, les roulés à la confiture, des desserts simples mais qui restent mes références puisque je n’en trouve pas d’aussi bons ! Pour le salé, mon grand plaisir était le pot-au-feu avec l’os à moelle ou la blanquette de veau. Ce sont les plats que me faisait ma mère quand je rentrais à la maison, elle savait qu’elle me faisait plaisir.

La cuisine est un lieu spécial pour moi, même si je ne fais pas forcément moi-même la cuisine. Dans tous mes lieux de vie, il y a toujours eu une table dans la cuisine. Toutes les grandes décisions, conversations importantes, mes choix se sont faits dans la cuisine. C’est un lieu essentiel.

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Ça tombe bien, c’est tout le sujet de ce blog !
Je remercie François Deseille pour le temps qu’il m’a accordé et ce qu’il a partagé avec les lecteurs de decoquinarerum.com.
Rendez-vous à la Cité internationale de la gastronomie et du vin de Dijon pour vos prochaines visites !
https://www.citedelagastronomie-dijon.fr

  1. Ouvert en 1204 et le dernier patient est parti en 2015 ↩︎
  2. Selon François Hollande lors de l’inauguration de la CIGV ↩︎

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