S’il y a un bel exemple d’imaginaire collectif, de référence à un patrimoine partagé, les Hospices de Beaune en font partie. On a tous en tête une image des Hospices de Beaune, voire un son (« Dites 33 »), qu’on soit plus sensible à l’angle cinématographique, patrimonial ou même people. Bien sûr, qui n’a pas vu La Grande Vadrouille ? Qui n’a jamais vu ces toits rutilants ? Qui n’a pas entendu parler de la traditionnelle vente des vins aux enchères des Hospices de Beaune, avec ces célébrités qui viennent y collecter des sommes folles ? Vous connaissez cet endroit, que vous y soyez allés ou non !

Pour avoir grandi dans cette région, c’est aussi un pèlerinage que je n’avais pas fait depuis très longtemps. Y retourner, c’était l’occasion de reprendre une dose de repères anciens, en tous points. Vous savez, comme quand on fait le tour de ses lieux d’enfance, on travaille son ancrage, on se rassure. C’est bien parfois qu’il y ait des choses qui ne changent pas…
Mais vous vous en doutez, j’ai activé cette fois-ci encore le mode « coquina » pour mettre plus particulièrement en valeur la cuisine de ce lieu.
Nicolas Rolin, Chancelier du Duc de Bourgogne, fonde l’Hôtel-Dieu en 1443. Très pieux et charitable, Nicolas Rolin et son épouse Guigone de Salins souhaitent offrir aux (très) nombreux nécessiteux un hôpital et des soins. Entre la guerre, la pauvreté, les maladies et la famine, la cible est très large à la fin du Moyen-Âge. L’institution est gérée par les Dames Hospitalières jusqu’au début des années 1970. Classé monument historique en 1862, le bâtiment est reconnaissable dans le monde entier grâce à son toit magistral de tuiles vernissées multicolores, typiquement bourguignon. Il ne faudrait pour autant pas occulter l’intérieur, garni d’un riche patrimoine culturel que l’on découvre au fil de ses salles, la charpente, la fameuse grande salle de soins, les cours intérieures.

En tant que lieu de soins, c’est aussi un témoignage essentiel de l’histoire de la médecine. Que ce soit d’un point de vue sociologique (qui est en charge du soin, comment on traite les maladies, quelle attention on porte aux malades) que d’un point de vue scientifique et médical. L’évolution des outils à travers le temps, des médicaments, la place de l’hygiène, etc. les salles reconstituées nous font prendre conscience des progrès réalisés.
La cuisine y tient bien sûr une place essentielle, comme toujours ! En effet, la médecine a besoin notamment d’eau et de feu. Donc les actes, ressources et outils médicaux se trouvent souvent dans ou juste à côté de la cuisine. C’est également le cas aux Hospices de Beaune, où le laboratoire et l’apothicairerie sont à proximité.
Jusqu’à 520 repas par jour
Pour ce qui est de la fonction alimentaire de la cuisine, on préparait ici jusqu’à quatre repas par jour destinés au personnel, aux religieuses et aux malades, pour une capacité totale allant jusqu’à 130 personnes.


Si l’alimentation aide au processus de guérison ou à se maintenir en forme, à Beaune une autre institution fait partie du régime des résidents, malades ou non, actifs ou non : le vin. Connu à la fin du XIXe siècle comme « la plus hygiénique et la plus fortifiante des boissons », le vin est proposé à chaque repas avec des recommandations adaptées à chacun :
Employés masculins : 1 litre de vin
Hommes malades : 0,5 litre
Femmes malades, orphelins et servantes : 0,4 litre
Religieuses : 0,35 litre
Femmes incurables ou pensionnaires : 0,3 litre
Enfants malades : 0,25 litre
On appréciera les comparaisons, mais il ne faut bien sûr pas voir ces principes avec nos yeux d’aujourd’hui. C’était établi au regard des connaissances d’alors. N’oubliez pas qu’en France le vin était servi aux enfants dans les cantines scolaires jusqu’en 1956, date d’une circulaire de Pierre Mendès-France l’interdisant, et seulement pour les moins de 14 ans !


Ce que je comprends aussi, c’est que les médecins (catégorie « personnel masculin ») devaient donc consulter et dispenser des soins voire des actes de chirurgie… avec potentiellement 1 litre de vin dans le corps. Même si les taux d’alcool n’étaient pas ceux d’aujourd’hui, je ne peux m’empêcher de repenser à la salle attenante où sont exposés les outils de chirurgie, de trépanation… les deux ne devaient quand même pas faire très bon ménage.
Pour la production viticole nécessaire aux hospices, autant vous dire qu’à Beaune le circuit-court est de mise, il suffit de tendre le bras !
C’est en revanche directement dans la pharmacie, un peu plus loin, qu’étaient préparés une bonne partie des remèdes. On y trouve les alambics qui permettaient d’extraire l’essence curative des plantes notamment, lesquelles se trouvaient pour certaines directement dans le jardin attenant.

Vous l’aurez compris, c’est une parenthèse très riche garantie que de passer par les Hospices de Beaune. Un lieu architecturalement magnifique et chargé d’histoire, un patrimoine culturel, religieux et artistique, des souvenirs légers autour de La Grande Vadrouille, et une plongée dans l’histoire du soin et de la médecine « made in Burgundy« .
https://musee.hospices-de-beaune.com/
https://www.beaune-tourisme.fr/