Ah le Château du Touvet, quelle splendeur ! En pleine vallée du Grésivaudan, à quelques encablures de la Savoie, c’est un bijou à fleur de Chartreuse qui trône en tête à tête avec la chaîne de Belledonne. Qui est le plus grand ? Personne n’a jamais osé répondre. La machine à remonter le temps fait effet dès qu’on empreinte l’immense allée d’arbres, avec en point de mire cet élégant château du XVIIIe siècle. Déjà de loin les toitures annoncent la couleur car elles brillent d’un éclat sans pareil avec leurs tuiles vernissées. Attention pépite !
Splendide demeure du XVIIIe siècle, le château du Touvet est réaménagé à partir du premier château fort du XIIIe siècle, dont l’emplacement stratégique lui permettait de veiller sur la vallée. Au XVIe siècle il est acquis par un compagnon du Chevalier Bayard, et restera propriété de ses descendants jusqu’à aujourd’hui : les Monteynard, les Marcieu et les Quinsonas.
Les plus grosses transformations et les aménagements datent de 1750 sous l’impulsion du Comte Pierre Emé de Marcieu. C’est le château que l’on peut admirer aujourd’hui, dans son écrin de jardins exceptionnels, sans oublier les escaliers et les jaillissements d’eau. Tout ceci nous rappelle qu’on est ici dans la (très) haute société de l’époque. Comment en effet ne pas penser à Versailles ?
Et bien c’est presque ça ! En effet, ici vivait une dynastie de militaires, mais pas n’importe lesquels, puisqu’au service du Roi. Pierre de Marcieu, Lieutenant Général des armées du roi, est nommé Commandant en chef du Dauphiné en 1743. À partir de cette date, le château est embelli par des aménagements très raffinés qui détonnent même beaucoup par rapport à l’époque et surtout en Province. Mais c’est une façon de retrouver le mode de vie, lié à son rang, qu’il pouvait connaître à Versailles : décors élégants et raffinés, boiseries peintes, gypseries, parquets marquetés, tentures de cuirs dorés, jardins somptueux et jeux d’eaux. Sans oublier les réceptions et fêtes grandioses. On y est.
Et la cuisine dans tout ça ? me direz-vous. J’y viens, petits curieux impatients !
Je ne savais pas du tout à quoi m’attendre en allant sur place, car la cuisine du château n’est mentionnée nulle part sur les documents en accès libre. Ce dont j’étais sûre, c’est que la cuisine ne fait pas partie des pièces ouvertes à la visite. Mais je ne savais pas s’il en restait des traces, si elle avait été moult fois transformée, si elle avait même disparu. Voilà pourquoi, lorsque j’ai eu mes réponses, c’est une grande émotion qui m’a cueillie. Attention, j’ai dit pépite !
Je vous confirme que la cuisine et les pièces attenantes ne sont pas ouvertes au public, pour des raisons évidentes d’accessibilité et de sécurité, car l’espace n’y est pas du tout aménagé. Pour ces raisons, je n’ai pas non plus insisté pour prendre des photos, je comprends et je respecte infiniment le souhait des propriétaires de vouloir préserver cet endroit. Ce n’est que partie remise pour nous tous, car le projet de rendre les lieux accessibles sera forcément un jour d’actualité.
En attendant je me sens ultra privilégiée de pouvoir vous raconter mon exceptionnelle visite des cuisines du Touvet.
La vie en cuisine en 1750 au Château du Touvet, ce sont plus de 400 mètres carrés de pièces animées et organisées autour d’un immense vestibule. On imagine que ça devait circuler à toute allure les jours de réception !
Tout y est, et en nombre, autour de ce vestibule qui distribue : une cave, 3 caveaux, 1 garde-manger, un office (avec un buffet, un petit potager, un évier), une arrière-cuisine (avec une charbonnière et une sous-pente, disons mezzanine, qui devait accueillir une personne), et LA cuisine. Les « ouvertures » que l’on distingue sur le plan sont bien sûr en hauteur, le tout se trouvant au sous-sol.
On retrouve dans la cuisine les éléments majeurs que l’on connaît bien ici. La cheminée, avec son four à pain de côté (très grand, ce devait être des gourmands ) et ses systèmes de poulies pour la rôtisserie. Des placards, un évier avec système d’évacuation. Pas forcément de récupération des eaux usées au Touvet ; en effet, la maison ne manque pas d’eau tout autour !
Je reconnais le même « lave-vaisselle » qu’à Sassenage, ainsi qu’un égrugeoir resté là.
Petit clin d’œil, sur l’un des murs il reste un placard dans lequel on voit bien les anciens systèmes d’appels internes, avec des chaînes et des grelots, comme dans Cendrillon ou Downton Abbey.
Ce qui saute aux yeux, sur le plan et encore plus quand on y est, c’est ce potager magistral, de forme ovale et placé au centre. Exceptionnel !
Pour vous en donner une idée, voici le plan original de l’artisan datant de 1750, aquarellé et commenté, une merveille.
Allez, je ne vous fais pas languir plus longtemps, en voici un petit bout de cette cuisine. J’ai pris mon temps car je voudrais vraiment que vous ayez bien conscience que vous avez sous les yeux quelque chose d’extraordinaire avec ce potager inouï. Et d’autant plus que cette partie n’est pas accessible au visiteur. Solis sacerdotibus
Pour vous situer, la photo est prise depuis l’entrée. Au fond à droite on voit la plaque du foyer, plus à gauche une partie du système de câbles de la rôtisserie.
Dans les assiettes au Château du Touvet, on trouvait sans doute des produits très locaux (ben oui, on n’a rien inventé !) puisqu’en matière d’alimentation on approchait de l’autonomie : jardin potager, fermes et domaines agricoles rattachés au château, et même un jardin de plantes médicinales. Sans oublier le territoire de chasse immense offert par les coteaux et la vallée, ainsi que les moulins : à blé, à noix, à chanvre.
Si vos voyages vous amènent au Château du Touvet, vous serez bien sûr émerveillés par ses jardins. Quand on vit comme moi sous la Chartreuse, quand pour une pelle de terre on trouve une pelle de cailloux, on ne peut qu’admirer la beauté de ces extérieurs, avec en plus la grâce de l’escalier d’eau à l’italienne et des bassins.
Ne soyez pas frustrés de ne pas pouvoir visiter la grande cuisine. D’abord parce que vous pourrez la voir en revenant ici chaque fois que vous voudrez ; ensuite parce qu’il ne faut jamais dire jamais, et que rien ne vous empêche de faire don de votre ISF pour que ce projet voie le jour. Et enfin parce qu’à l’opposé du bâtiment se trouve « la cuisine de la cour » qui est devenue aujourd’hui « la salle des visiteurs » ouverte à tous. Elle est en parfait état, avec une très belle cheminée abritant un four à pain, un évier et également un potager du XVIIIe siècle. Ce bâtiment, tout en longueur, abritait aussi l’ancienne laiterie et le lavoir alimenté par les 3 fontaines (non accessibles au public).
Remerciements
Je tiens à remercier Isabelle de Quinsonas pour son accueil, sa confiance, et pour les photos.
www.chateaudutouvet.com
La page Facebook du Château du Touvet
J’ai rarement lu un article aussi élégant et intelligent… Continuez vous avez bcp de talents.
Merci infiniment ! Très touchée par votre commentaire.
Le temps me manque malheureusement ces derniers temps, ce qui n’est pas le cas des idées et autres projets d’articles.
Bien à vous,
Sophie
Furtif passage : j’avais omis de m’abonner aux commentaires de cet article…
Belle visite qui permet de se confronter au « design » bien avant que le terme soit employé… que ce soit par la beauté des jardins et l’à-propos des allées qui permettent d’en jouir, ou par l’astucieuse commodité des éléments de cuisine comme le potager… Merci de ce reportage…
Merci Line !
merci pour cette visite. J’ai visité le château il y a plus de 10 ans et j’ai surtout en mémoire les jardins, les fleurs, les senteurs… Il va falloir que j’y retourne mais sans la visite de la cuisine….!! (SP)
Merci Pompon, et belle prochaine visite !
Encore une belle visite Sophie, on peut laisser aller son imagination…Le potager en forme de rosace très intéressant, tout sous la main pour cuisiner. De sacrés plans de travail. Bonne journée
Merci Jackie ! Bonne fin de journée à toi.
Effectivement belle et bonne machine à remonter le temps… Sans bouger de son canapé… Merci pour la visite…sans pourboire en plus…
Merci Cd pour ces encouragements ! Pour le pourboire on pourra s’arranger