Allez, soyons fous. Même si l’automne est bel et bien installé, j’ai envie de parler de vacances aujourd’hui. Plus particulièrement de ces expériences aussi fugaces qu’intenses que sont les amours de vacances. Car c’est à ça que m’a fait penser le film Sur la route de Madison. Une histoire d’amour somme toute très brève mais d’une intensité telle qu’elle marque une vie entière.
Sauf que, vous commencez à me connaître, il y a aussi une très belle histoire de cuisine dans ce film ! Et comme j’aime le rappeler dans ce blog, la cuisine y joue encore une fois un second rôle essentiel. Voyez plutôt…
Le pitch
Sur la route de Madison est un film de et avec Clint Eastwood sorti en 1995. C’est l’histoire d’une rencontre, aussi improbable que déterminante, entre deux personnages, le photographe Robert Kincaid joué par Clint Eastwood et Francesca Johnson, une femme au foyer dans l’Amérique rurale des années 60, interprétée par Meryl Streep. Pendant quatre jours, ces deux êtres chacun à la fois prisonnier de sa vie et épris de liberté vont se confier et s’aimer intensément, jusqu’à ce que la raison les sépare.
Dans ce film, de nombreuses scènes se déroulent en cuisine. Rien d’étonnant étant donné le contexte du film, une ferme dans l’Iowa des années 60. Ce qui frappe malgré tout, c’est le rôle que joue la cuisine sur le déroulé de l’histoire et son parallèle évident avec l’évolution psychologique du personnage de Francesca.
Bande annonce
La cuisine, une prison émotionnelle
Au début de l’histoire, le spectateur fait la connaissance de Francesca. Elle a la quarantaine, elle est mariée et a deux enfants, un garçon et une fille. En quelques scènes le cinéaste réussit à peindre un portrait très détaillé, tout en suggestions et subtilités, de cette famille unie et de cette femme visiblement réservée. La première fois qu’on la voit, elle est en cuisine, toute à la préparation du repas.
Puis la petite famille s’installe à table, dans la cuisine qui est aussi la pièce de vie. En quelques attitudes, remarques, petits gestes, on ressent un malaise et de la compassion pour Francesca. Elle n’est pas maltraitée, mais elle semble tout simplement transparente. À ce stade, la pièce est le symbole de sa condition. Elle a bien sûr préparé le repas pour sa famille, mais aucun n’a d’égard ou un regard pour elle. Elle fait le service, répond aux besoins de tous, mais rien en retour. Elle regarde son petit monde avec tendresse, mais personne ne lui accorde la même attention.
La cuisine, gardienne et protectrice
Francesca se retrouve seule chez elle, son mari et ses enfants se rendant quelques jours dans une foire agricole. On avait déjà compris dans la première scène qu’elle avait sans doute une vie intérieure bien différente. C’est alors dans sa cuisine qu’on la découvre bien différente, pour un temps elle-même sans doute. Elle peut enfin y écouter son air d’opéra et penser à elle. Comme elle le dit à un moment, elle se décrit comme « une femme endormie dans sa vie ».
Elle décrit aussi sa vie comme « faite de détails » dans lesquels « je me sentais en sécurité ». Le rythme de ses tâches, de son quotidien, cette vie lui procure sans doute une sécurité mais la détache petit à petit de ses propres émotions.
Elle fait la connaissance de Robert Kincaid, photographe, qu’elle guide pour trouver le pont sur la route de Madison. Hors de sa maison, hors de sa cuisine, Francesca est naturellement effacée, timide, la tête baissée, elle ne sait pas quoi faire de ses mains, elle est maladroite. Pas assurée.
Ils font connaissance et sympathisent et … ba non, pas tout de suite ! Gourgandins que vous êtes !
Retour dans la cuisine histoire de se rafraîchir. Immédiatement son comportement est plus assuré. Mais elle va vite être troublée par l’attitude de son invité. Lui s’intéresse à elle, lui pose des questions sur elle, elle qui n’a pas l’habitude de toute cette attention. Lui va l’aider en cuisine, va empiéter sur son territoire. S’instaure alors dans cette cuisine une vie inhabituelle, faite d’échanges, de dialogues, de rires. Une forme d’intimité finalement, qui finit par semer le trouble dans son organisation de vie autant que dans ses sentiments. Des échanges, des frôlements qui réveillent en elle des émotions depuis longtemps refoulées.
La cuisine, lieu de gourmandises et de tentations
Et pour bien renforcer le rôle de la cuisine dans cette histoire, c’est bien sûr ici que Francesca va céder à la tentation, dans une scène d’anthologie qui ferait presque oublier que Clint est quand même, en 1995, déjà très éloigné du jeune séducteur qu’il était. À 65 ans, on peut même dire que Blondin a passé du temps dans le désert sans chapeau .
Elle est très romantique cette scène. Sauf que bon, avec un Clint tout sec, le poil de partout hirsute, il faut avoir beaucoup d’imagination, mais ça c’est mon avis hein. Ça n’enlève rien au romantisme, à la crédibilité, et au poids de la cuisine dans ce film, ok ?
https://www.youtube.com/watch?v=ZyWZTU22LAw
Sur ces moments passés avec cet homme, Francesca dira : « Je me comportais comme une autre femme, et pourtant j’étais moi, plus que jamais. »
Auprès de lui, pendant quatre jours, la cuisine deviendra le symbole de la vie et de l’amour. On imagine qu’elle gardera à jamais ces souvenirs et que sa cuisine ne sera plus ni tout à fait la même, ni tout à fait une autre (pour toi Paul).
La cuisine n’aura pas leurs adieux
Sans vouloir tout spoiler, on peut quand même dire qu’ils ne vécurent pas heureux et qu’ils n’eurent pas beaucoup d’enfants.
Une des dernières scènes se passe dans la salle à manger. Plusieurs plans montrent la scène vue depuis la cuisine, qui, elle, est dans le noir. Hum, la cuisine, lieu de joies et d’amour, dans le noir = pas bon signe. En effet, le seul moment où ils dînent ailleurs que dans la cuisine, bim ça finit mal, ils se disent adieu.
La cuisine est là, en arrière-plan, éteinte, et c’est elle qui nous délivre encore un message. L’ambiance est pesante, triste. Cette parenthèse est terminée.
Le film nous apprendra que malgré les adieux cet amour restera intact tout au long de la vie des deux personnages. Nous aurons partagé une belle histoire de femme, des émotions comme on aime, et nous aurons assisté à la naissance d’un lien éternel, initié et consommé… en cuisine.
Coucou Sophie
film revu l’été dernier avec bcp de plaisir.
J’aime bien cette cuisine typiquement américaine, avec ses qualités (spacieuse, lumineuse…) mais aussi ses défauts (ouverte de tous les côtés, surchargée…).
Et Meryl Streep, j’adooore!
Merci pour ton article.
Merci Pompon ! Biz
Très beau film, très bon réalisateur doublé d’un très bon acteur !
Je t’embrasse ma Thel.
Louise
Si heureuse de te lire ! Câlins à toi ma Louise
Il fait partie de mes films préférés et j’en parlais la semaine dernière. Superbe Meryl Streep. Bises
Bonne journée Jackie, à bientôt.
Salut la So … si l’automne est bel et bien installé dis tu !?
J’en connais une qui dit que l’hivers est bel et bien arrivé, températures inférieurs à 20° obligent … et concernant la cuisine … c’est toujours pareil, rien de plus ! lol
Bizzzzzzzzzzzz, Francky
Biz à tous
Merci de m’avoir replongée dans l’un de mes films préférés… Je me sens parfois très proche de ce personnage qui s’autorise enfin à devenir elle-même par exemple par le simple geste d’enlever son tablier… tablier symbole de ses tâches ménagères, de son quotidien où elle s’est retrouvée cantonnée dans un rôle culturel convenu, dans une condition sociale où les femmes ont longtemps été maintenues par les structures morales et juridiques définies par des dirigeants masculins, paternalistes ou machistes… Et puis quelqu’un, un jour, la regarde avec des yeux différents, elle redevient objet de désir et du coup s’autorise elle-même à laisser renaître son propre désir… et elle devient belle, belle à ses yeux à lui, belle à ses yeux à elle-même… Oups, pardon, j’ai squeezé totalement l’idée de « cuisine »… Bel article ! par lequel je me suis laissé emporter… Merci de l’avoir proposé !
Merci Line ! Biz
Biz aussi !